À nos yeux et à ceux de nos visiteurs étrangers, la Suisse apparaît comme un havre de paix et de tranquillité à l’abri de tout danger ou turbulence.
La réalité est tout autre, comme le démontrent les catastrophes qui ont frappé notre histoire au fil des siècles.
Celles-ci, ainsi que les moyens d’y faire face, font notamment l’objet de la passionnante exposition visible au Château de Morges jusqu’au 31 décembre 2024, intitulée « Y a le feu au lac » et qui fait l’objet d’un ouvrage du même nom très bien documenté, écrit par la Conservatrice des collections du Château de Morges, Gudrun Beger.
Voici un retour succinct sur l’histoire des dangers naturels en Suisse.
Le séisme du 18 octobre 1356 à Bâle, d’une magnitude de 6,6 sur l’échelle de Richter, est le plus puissant tremblement de terre historiquement attesté en Suisse. Il aurait provoqué jusqu’à 2000 morts.
En 1515, une digue qui s’était précédemment formée près de Biasca dans le Val Blenio, cède brusquement. Les roches d’éboulement obstruent la vallée et coupent la rivière Brenno, entraînant la création d’un lac d’environ 5 kilomètres de long ainsi qu’un raz-de-marée qui se propage jusqu’au lac Majeur, touchant au passage Bellinzona. Selon les sources de l’époque, jusqu’à 600 personnes y laissent leur vie et quelque 400 bâtiments sont détruits.
De nombreux autres exemples peuvent être cités, tels que l’éboulement de Goldau en 1806, les graves inondations en 1834 en Valais, dans les Grisons, au Tessin ainsi qu’à Uri et Glaris, suivies d’autres événements importants tels qu’en en 1852, les inondations provoquées par le débordement de l’Aar.
Ces crues, liées essentiellement à la surexploitation des forêts, ont été à l’origine de nombreux reboisements pour retenir l’eau et, surtout, des deux corrections des eaux du Jura dans le Seeland. La première entre 1869 et 1891 est la construction de 3 canaux et l’abaissement du niveau d’eau des 3 lacs, et la seconde entre 1962 et 1973 est la construction du barrage de régulation de Flumenthal situé en aval de la confluence de l’Emme dans l’Aar.
Pendant cette période, diverses réglementations fédérales (Constitution de 1874 et lois fédérales) ont régulé les déboisements, les avalanches et les endiguements.
Mais la nature est toujours la plus forte, preuve en est le déversement des laves torrentielles ayant détruit une bonne partie du village de Gondo et causé la mort de 13 personnes, le 14 octobre 2000. Plus récemment, le 8 août 2018, des laves se sont déversées sur Chamoson, causant la mort de deux personnes.
Les dangers qui menacent la Suisse ne sont pas seulement d’origine naturelle. Les certitudes selon lesquelles notre pays était à l’abri de toute guerre à l’avenir, après la chute du Mur de Berlin, la fin de la guerre froide, et l’illusion d’une paix mondiale durable, ont été battues en brèche par les innombrables conflits régionaux en Amérique du Sud, en Asie du Sud-Est, en Afrique et au Moyen-Orient.
L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et la guerre en Ukraine à nos portes depuis plus de deux ans viennent brusquement nous rappeler à la dure réalité de la guerre, à un jet de pierre de notre pays.
Catastrophes naturelles, périodes prolongées de sécheresse, pluies diluviennes ne sont pas, ou plus, des accidents de parcours, mais commencent, aussi insidieusement que rapidement, à faire partie de notre quotidien.
Boues torrentielles à Gondo le 14 octobre 2000 (crédit Château de Morges)
C’est en ce sens que l’exposition, qui met en avant les dangers qui guettent notre pays, malgré sa stabilité et sa richesse, rend très concrète la fragilité de notre condition et nous rappelle que notre vigilance est de mise pour préserver la beauté de notre cher pays, la Suisse.
Philippe Kloeti